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RÉCIT DE TIMOTHÉE AUCLAIR

Le récit vécu d’un témoin oculaire.  La Presse 24 février 1923



Le touriste attiré par la beauté des paysages de cette région, le capitaliste qui ne peut laisser plus longtemps inexploitées les richesses qu’elle renferme, le sportsman qui se laisse tenter par ces forêts et rivières où foisonnent le gibier et le poisson peuvent aujourd’hui se rendre dans ce pays enchanteur avec tout le confort désiré. Des routes carrossables lui permettent d’arriver sans encombre à bon port lorsqu’il lui faut quitter le chemin de fer.


Mais il y a cinquante ans, il n’en était pas de même. Il n’y existait aucune route digne de ce nom. Tous les villages, aujourd’hui si prospères, Mont Louis Sainte Anne des Monts, Rivière à Claude, Rivière à Pierre, Anse Pleureur etc échelonnés le long du Saint-Laurent sur la côte Nord de la Gaspésie ne pouvaient communiquer entre eux que par le fleuve. Un voyage dans cette partie du pays n’était pas alors à  entreprendre à la légère.


Le récit que nous publions plus bas offre donc un intérêt particulier à tous ceux que le développement de la province intéresse et nous fait assister à la naissance de ces paroisses et nous fait participer à la vie des hardis colons qui s’y établirent en pleine solitude.  Il nous fait connaître leurs mœurs et coutumes. Il est de plus rempli d’anecdotes inédites qui font cependant partie de notre histoire. 


Monsieur Auclair est né à l’Islet le 18 février 1838. Il épousa le 2 mai 1859 Julie Castonguay. Cette dernière est née à Rimouski le 18 janvier 1838.  Le couple s’est établi  sur la côte Nord de la Gaspésie en 1856.  De leur mariage sont nés 12 enfants, 9 fils et 3 filles.


Aujourd’hui et Autrefois 


« Le voyageur moderne, dit-il, qui se rend de Saint Anne-des-Monts à Rivière au Renard en suivant la côte Nord de la Gaspésie ne cesse de maugréer contre la route maritime et vous serre toute une litanie de jérémiades sur les fatigues qu’il a subies dans ce trajet. Cependant il y passe facilement en voiture en fumant confortablement sa pipe. Partout le long de la route il trouve de bonnes maisons pour se loger, s’il doit s’arrêter pour une raison ou une autre. Que dirait-t-il donc s’il lui avait fallu faire ce même trajet entre 1856 et 1860. Il n’y avait alors aucun chemin. Il fallait suivre la grève. Souvent, ces routes étaient coupées par des caps et des falaises que la mer battait. Il fallait escalader ces caps haut de 300 à 400 pieds traverser les bois qui en couvraient le sommet sur une distance de un à 2 milles  avant de trouver un sentier et de descente pour pouvoir continuer son voyage. À certains endroits, le sommet des caps était inaccessible. 


Ainsi entre Rivière Marsouin et Rivière à la Marte on rencontre deux caps éloignés d’un demi mille l’un de l’autre.  Il est impossible de les escalader. Il faut attendre que la marée soit basse pour les contourner, mais il faut être très prudent et bien choisir son horaire. En effet, si l'on passe le premier lorsque la mère a commencé à monter ou «à la coupe de la mer» on se trouve dans une impasse désagréable. En effet, en arrivant à l’autre cap, « bernique», on voit que l’on ne peut plus passer. La marée monte en effet très vite à cet endroit. Inutile de retourner ou d’essayer d’escalader la falaise. On est prisonnier de la mer et il faut attendre sur un espace très restreint pendant cinq ou six heures que la mer soit de nouveau basse. 


Mésaventure d'un Juge.


En été le désagrément n’est que passager, mais en hiver, par un froid rigoureux c’est toute une autre histoire. Il est en effet impossible de faire du feu sur le peu de grève qui reste à découvert et l’on s’expose à être gelé à mort sans espoir de secours. Monsieur Gilbert Lavergne, juge de la cour de circuit de Rivière au Renard, en se rendant à Saint-Thomas de Montmagny, fut ainsi emprisonné entre ces deux caps en décembre 1858. Heureusement le temps n’était pas très froid et il put sortir sain et sauf de cette mésaventure.


Il n’en était pas cependant toujours de même et plusieurs innocents ont perdu la vie. Ces innocents ou pauvres d’esprit étaient alors plus nombreux dans notre région. Il en est passé au moins un par semaine. D’où venaient-ils ? D’Angleterre, croyait on, car tous ne parlaient que l’anglais. Presque tous savaient lire.  Pourquoi la puritaine Angleterre nous envoyait-t-elle ainsi ces pauvres d’esprit? C’était sans doute pour s’en débarrasser comme elle le fit pour les Irlandais qu’elle envoya en 1847 et 1848 au Canada, tassés comme des harengs au nombre de 800 à 900 dans des petits navires à voile. Aussi pendant la longue traversée le typhus se déclarait  généralement à bord et avant d’arriver au port des centaines mouraient. On jetait simplement leur cadavre à la mer.


À l’Islet où je suis né, j’avais alors neuf ans,  un de ces navire fit naufrage sur les Pillars (pilliers en roc) en 1846 ou 1847. Une vingtaine d’orphelins furent sauvés et adoptés par les citoyens du village. Le curé Delage lui-même en adopta un. Je ne me rappelle pas que l’on ait trouvé aucune trace de leurs parents. On croit qu’ils avaient dû mourir en route.


Souvent ces immigrants apportaient aussi le choléra. Lorsque j’étais au collège de la Pointe aux Trembles près de Montréal en 1848-1849 je me rappelle que cette terrible maladie y a fait de grands ravages. Un vieillard de cette localité, le père Mongeon, me disait que l’année précédente le nombre de victimes avait été encore plus considérable. Des familles entières avaient disparu en quelques heures. Ce père Mongeon succombât lui-même à la maladie trois jours plus tard.


Mais revenons à nos pauvres innocents. Ainsi que nous l’avons déjà dit, plusieurs périrent sur la côte de Gaspé en hiver. On en voyait en effet descendre un grand nombre mais on en voyait revenir très peu. Le printemps, à la fonte des neiges, on trouvait leurs cadavres gelés tout le long de la côte, surtout entre Grand-Étang et l’Anse à Valleau.  Épuisés par une marche fatigante dans la neige dans laquelle ils s’enfonçaient jusqu’au genoux, ils tombaient pour ne plus se relever. Les gens étaient cependant très hospitaliers pour eux.  Dans les gros froíds on essayait de les retenir, mais en vain. Ils n’écoutaient aucun conseil. Leur idée fixe était de toujours marcher. C’était une vraie manie. J’en ai gardé un chez moi pendant deux mois. Il était sourd-muet et agissait comme un véritable enfant.


Le service de poste.


En 1855, il n’y avait pas de service de poste entre Sainte-Anne des Monts et Rivière-au-Renard, soit une distance de 105 milles. Monsieur JB Sasseville fut chargé en 1855 d’organiser un service bimensuel entre ces deux endroits. Le premier courrier fut Barthélémy Robinson, de Mont- Louis, qui fit ce service de 1855 à 1857. Je fus moi le second courrier. Je fus nommé en 1857 et je suis resté en fonction jusqu’à 1860. Il n’y avait alors aucun bureau de poste le long de la côte, sauf à Grand-Étang où Michel Lespérance, en été, ouvrait les sacs de malles pour en retirer son courrier. Il en profitait pour retirer aussi les lettres des gens de la place à qui il les distribuait.


Je recueillais les lettres en route, de maison en maison, et je les remettais à Tom Sainte-Croix, maître de poste de Rivière-au-Renard, ou à Tom Perry, maître de poste de Sainte-Anne-des-Monts.  Il n’y avait pas de timbres dans la région à cette époque et les gens remettaient au courrier l’argent destiné à payer le port des lettres. Le prix pour une lettre, s’il était payé en la livrant au courrier par l’expéditeur, était de six sous. Le prix était de neuf sous si le port de la lettre était payé par celui qui la recevait. Une lettre envoyée aux États-Unis coûtait 10 sous. J’en recueillais cependant très peu à chaque voyage. La population n’était pas nombreuse et elle comptait peu de personnes qui savaient écrire.


L’hospitalité des gens de la côte était proverbiale. Mais j’étais leur visiteur préféré. En effet j’écrivais leur lettre et leur lisais celles qu’ils recevaient.  Il existait entre eux une grande rivalité à mon égard. C’était à qui m’aurait logé.  Ma visite était tout un événement. Là où je devais passer la nuit, tous les gens des environs se réunissaient le soir pour recevoir des nouvelles, me faire raconter des histoires et me faire chanter. Chacun y allait aussi de son histoire et de sa chanson. C’était l’usage. Vous ne pouviez pas rester dans une maison pour quelques instants sans que l’on vous demande de chanter. C’était l’amusement favori dans les veillées.  Je n’ai jamais entendu depuis un répertoire de chansons aussi variées.


Presque toutes les filles avaient de belles voix et chantaient très bien. Une dame Minault de Mont-Louis chantait comme un vrai rossignol. Elle avait la voix très pure et très forte et d’une grande souplesse. Elle montait et descendait toute la gamme sans le moindre effort.


Aussi les soirées agréables que l’on passait faisaient oublier les fatigues de la journée. Cette fatigue n’était pas imaginaire. En effet ce n’était pas une excursion de plaisir que de faire en plein hiver, sac au dos, raquettes aux pieds, seul dans la tempête du Nord Ouest, beau ou mauvais temps, de 30 à 40 milles par jour. J’étais de plus complètement à la merci de la générosité des gens pour ma nourriture. Quelques fois j’étais forcé d’arrêter chez de pauvres gens qui eux-mêmes avaient très peu de provisions pour leur propre nourriture. Cependant ils me donnaient toujours ce qu’ils avaient de mieux. C’étaient des bons cœurs. Ils aimaient à recevoir des étrangers. Il en était ainsi tout le long de la côte, de Mont-Louis en descendant.


On les exploitait.


Sauf de rares exceptions, ils étaient tous pécheurs. Une compagnie achetait à vil prix le produit de leur pêche et leur vendait à un prix très élevé les effets dont ils avaient besoin et que seul elle pouvait leur fournir. L’automne elle fermait ses livres exigeant que tout ce qui lui était dû fût payé avant que ses employés quittent la localité pour l’hiver. Elle refusait tout crédit aux pauvres même aux pères des familles très nombreuses. J’ai vu des familles ne manger que de l’orge bouillie pendant tout un hiver. Heureusement il y avait à cette époque des porcs-épics en quantité et ce gibier, en leur fournissant la viande nécessaire dans un si rude climat, a sauvé la vie à plusieurs familles….


Un triste naufrage


En 1860, une grosse Goëlette, la «Bélenda» de la Baie-des-Chaleurs,  capt. Bourdages, y a fait naufrage. Six personnes perdirent la vie le 10 ou 12 décembre. Il y avait à bord  un monsieur Mckenzie revenant d’Angleterre avec sa femme, deux grandes filles et un petit garçon. Tous se sont noyés sauf le père. Les corps des filles et du fils ont été retrouvés sur la grève et celui de la mère n’a jamais été retrouvé. Monsieur Mckenzie offrit 100 dollars à qui  trouverait son corps. Comme à cette date il n’y avait pas de chemin et qu’il était  alors trop tard pour voyager par eau, le père à hiverné à Marsouin. Le printemps il a monté les cadavres de ses enfants à Sainte-Anne où ils furent inhumés. J’y ai vu encore, l’été dernier (1922), dans le cimetière le poteau sur lequel le nom des enfants avaient été gravé par le père. Ce monsieur venait au Canada rejoindre son fils à Dalhousie. Il a perdu toute sa famille et ses meubles dans ce naufrage.


Double tragédie


L'abbé Daniel Roussel fut le premier curé de Mont-Louis. Il fut nommé en 1867. Pendant l’automne de cette même année deux navires firent naufrage, un à l’Anse Pleureuse  et l’autre à Manche d’Épée.  Ce furent des pertes totales. Le capitaine et presque tout l’équipage du navire qui fit naufrage à Manche d’Épée ont péri. Les rescapés eurent les pieds et les mains gelés. Ce naufrage arriva en effet le 10 décembre par un froid très grand.

À l’Anse-Pleureuse, parmi les rescapés, il y avait un nommé Laprise, de Québec et sa femme. Cette dernière, née Julien, aussi de Québec, est morte de froid sur le rivage. Le gouvernement avait envoyé le docteur Park, de Québec, soigner les rescapés et faire des opérations nécessaires. Il dû amputer plusieurs pieds et mains. Un nommé Costin n'est resté qu’avec deux palettes pour mains, tous les doigts et pouces étant partis. Vingt ans plus tard, je l’ai vu à Québec dans un bar en prenant un verre de bière. Il tenait son verre avec ses deux palettes. Laprise a eu un pied coupé ainsi que plusieurs autres victimes. Les rescapés ont passé l’hiver à Mont-Louis. Monsieur le curé les avait placés chez les habitants les plus à l'aise. Ils n’ont eu que des louanges à faire à leur départ sur l’hospitalité reçue des gens de Mont-Louis.


En 1876 le curé Erague Côté de Mont-Louis s’est noyé sur la pointe de Rivière à Claude. Il se faisait monter en barge à Sainte-Anne-des-Monts par deux innocents qui ont passé trop près de la terre. Il faisait calme et ils montaient à la rame. La barge a touché le fond. La houle de recul  s’est acharnée à la barge. Les deux innocents se sont sauvés ayant de l’eau à la ceinture. Malheureusement le curé fut frappé à la tête par le mât de la barge et fut assommé. On retira son cadavre de l’eau le même jour.


Mgr Baillargeon.


En 1858, Monseigneur Baillargeon a fait sa visite pastorale sur la côte. Il logeait chez le père José Thomas, qui vivait seul avec sa vieille. Cette maison était construite au centre d’un petit jardin. Or pendant la nuit, Monseigneur Baillargeon, ne pouvant dormir, se leva et alla se promener dans le jardin. Il faisait un brillant clair de lune. La mère José dont la fenêtre ouverte donnait sur le jardin, se réveilla et voyant une ombre se mouvoir dans le jardin, s’écrie: « vite José le cheval du bonhomme Robinson est dans le jardin.  Vite, lève-toi pour l’envoyer.»  Le lendemain l’évêque a rallié la vieille qui avait pris son évêque pour un cheval. Mais la vieille n’avait pas la langue dans sa poche et n’était pas intimidée pour lui répondre.


C’était une belle figure aimable que monseigneur Baillargeon. Il était très humain et sans aucune fierté. Il voyageait tranquillement en barge, conversant avec tout le monde, donnant de bons conseils à tous. Un jour, il descendit à l’Anse-Pleureur pour pêcher la truite dans le lac. Là, vivait une seule famille, celle de Thomas Henley. L’évêque regardant un beau champ de seigle et d’orge demanda à Henley pourquoi il ne semait pas du blé.  «Inutile Monseigneur, répondit Henley, le blé vient très beau, mais on ne récolte que du blé noir (sarrasin)». Monseigneur Baillargeon fut quelque temps sans répondre puis tout à coup dit à Henley:« Semez du bon blé et vous aurez du blé.»

 L’année suivante, Henley fit descendre de Québec du bon blé net, le sema et récolta du bon blé. Il en a passé ensuite aux gens de Mont-Louis qui tous ont depuis récolté du bon blé.  Henley a toujours dit que Monseigneur Baillargeon avait fait un miracle.


Nécessité oblige.


Dans le temps des fêtes, les jeunes gens de Rivière au Renard, Clorydormes, Madeleine, qui étaient presque tous consanguins, venaient voir les filles à Mont-Louis. Plusieurs en ont épousé.  Je me rappelle de l’un deux qui courtisait une jeune fille qui n’était pas très belle. Il disait que les filles étaient rares et qu’il fallait prendre ce qu’on attrapait. 


De Mont-Louis à l’Anse Pleureur, il y a 5 milles. Il y avait alors une seule famille celle de Henner Henley. Maintenant (1923) il y a près de 250 familles. Tous sont des colons à l’aise.




Un fatal éboulement


À Rivière Madeleine, il y avait une dizaine de familles venant de Cap Rosier, les Synotte, qui parlaient les deux langues entremêlées anglais et français, les Laflamme les Deraiche très nombreux aujourd’hui. Il y avait aussi deux Français, François Briard qui était marié et Jean Briard qui était célibataire. Ce dernier habitait une assez grande maison. Le curé Blouin desservant Rivière-Madeleine, y disait la messe dans ses missions. Cette maison était bâtie au pied de la côte, Près du bord de la rivière. Dans le mois d’août 1858 je suis arrivé un soir. Jean Briard voulut me garder à coucher. Je l’ai remercié et lui ai demandé de me traverser la rivière pour être prêt à continuer ma route au matin. Il me traversa, hélas, pour la dernière fois. Comme il pleuvait depuis plusieurs jours, un éboulement de terre glaise se produisit dans la nuit culbuta la maison et l’écrasa au bord de la rivière. Briard est mort dans son lit. Le matin on ne voyait plus de maison. Je l’avais échappé bel de n’avoir pas couché là. 


Navigation Dangereuse


… Vient ensuite Anse-à-Valeau, situé à 12 milles de Grand Étang. Beaucoup de gens de St-Thomas  descendaient y faire la pêche et remontaient l’automne en barge.  Cette navigation à bord d’aussi petits vaisseaux était très dangereuse en automne.  Un naufrage y mit fin.  Huit hommes qui étaient partis de l'Anse-à-Valleau y perdirent la vie.  Ils se noyèrent en plein jour à Cap-Chat par une belle brise de vent «d’en bas».  Ils passèrent trop proche de terre et leur navire chavira.  Les gens de l’endroit, n’ayant aucune embarcation, n’ont pas pu les secourir.  Ils les ont vu disparaître les uns après les autres, emportés par la mer.


Le premier vapeur


Le premier vapeur que j’ai vu passer est le «Sandy Jaed» en 1847.  Tout est bien changé maintenant.  Aujourd’hui (1923) le service des postes se fait sans difficulté. Même l’hiver.  Dans ce temps là, quand bien même il y aurait eu des chevaux, dans la région, on aurait pas pu s’en servir, faute de chemins.  Le climat n’est plus le même.  Il tombait de 10 à 12 pieds de neige,  Le froid et les tempêtes duraient de 13 à 15 jours.  Il était impossible d’aller chez le voisin sans raquettes.  À la fonte des neiges, en juin, toutes les terres de la vallée de Rivière-à-Claude à Mont-Louis étaient inondées, cela retardait les semailles.  Les gens défrichaient très peu en conséquence les bas fonds bien que la terre y fut de première qualité.  La fonte des neiges se faisait toujours à la fin juin.  À présent (1923), elle se fait au commencement  de mai et n’inonde plus les terres, car il ne tombe pas autant de neige que dans ce temps-là.  Les rivières débarrassées de leur glace suivent leur cours sans causer de dommage.  


Tous les noms baroques donnés à certains endroits l’ont été par «les gens d’en haut» qui venaient faire la pêche le long de la côte.  Il y a une quantité d’histoires que les vieux me contaient sur les noms de chaque poste.  On y remarque beaucoup de superstition.  Car dans ce temps-là, d’après eux les loups-garous, les gobelins, les feux follets habitaient chaque endroit.  Plusieurs m’ont affirmé en avoir vu et rencontrer au moins un.  Ces histoires sur chaque endroit feraient le sujet de chroniques intéressantes.  Je suis âgé aujourd’hui (1923)  de 85 ans et suis confortablement installé à Rivière-à-Claude, mais c’est toujours avec plaisir que ma pensée me reporte au temps où, sac de malle au dos, raquettes aux pieds, je parcourais la côte pour faire mon service de courrier.  

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