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CONTE DE FEE 
POUR UN SOIR DE MAI

hommage à Hélène Le Boutillier en 1972 par Claire Marcil Bruchési



L'enfant privilégiée naquit à Gaspé, le 15 mai 1872, du mariage de Sieur Charles Le Boutillier et Hélène Tétu de la Rivière-des-Trois Pistoles. Elle était l'aînée d'une famille de six enfants. Portée aux fonts baptismaux de Gaspé, elle reçut le prénom distinctif d'Hélène, nom qui sera connu dans plusieurs pays, grâce à une voix merveilleusement belle. Elle entrait dans ce monde, porteuse de grandes qualités d'âme et d'esprit, riche en plus d'une voix d'ange. La Providence lui avait donnée une âme forte, chrétienne jusque dans le bout des doigts, si je puis m'exprimer ainsi. Plus tard, il la comblera de huit chérubins qui gardèrent un souvenir ineffaçable de leur maman. 


Personnellement, elle avait un "amour remarquable de la Mère de Dieu. En voulez-vous un exemple?


A sa soeur qui lui demandait l'emploi de son argent, puisqu'il manquait un demi-dollar, elle répondit: " J'ai acheté des fleurs pour la Vierge de Lourdes. Depuis si longtemps que je n'avais pu lui en offrir, je n'ai pu résister... Puis, comme j'étais seule dans la chapelle, j'ai chanté tout bas pour Elle, et pour Elle seule ". 


Je pense ici à une réflexion de Mgr Tétu, chroniqueur musical dans 

I'Action Catholique, et je cite: « Elle chanta à la Basilique de Québec un Ave Maria que je ne pourrai jamais oublier, pas plus que son Repentir de Gounod et le Crucifix de Faure, avec Saucier.»



Son père, d'origine jersiaise, était  exportateur de poisson et possédait plusieurs établissements importants. Sa mère, ancienne élève des Religieuses de Jésus Marie de Trois-Pistoles, aimait beaucoup la musique; tous deux veillaient au grain. Lorsque Hélène eut terminé ses études au couvent de Sillery, ils conçurent le projet de l'inscrire au conservatoire de Paris pour l'étude du chant. Leur désir ne put se réaliser pour des raisons incontrôlables. On l'inscrivit donc au conservatoire de Boston. De là, notre rossignol gaspésien parcourut la Nouvelle-Angleterre pour répondre à la demande de concerts, de mariages et ... que sais-je?


Sur les entrefaites, la famille Le Boutillier de Gaspé transporta ses pénates à Montréal, sans doute pour être plus près des enfants. Par ses nombreux succès, Hélène obtint une bourse qui lui permit deux ans d'études dans la Ville Lumière. Elle chanta alors à Paris, à Londres et dans d'autres centres européens et connut les ivresses des grands triomphes. Pendant son séjour à Paris, elle rencontra moult personnalités artistes et put ainsi s'épanouir davantage. 


Peu après son retour à Montréal, elle eut un vrai triomphe à la salle Karn. Le 12 avril 1901, "Le Journal ", quotidien d'alors, donne un magnifique compte-rendu de ce concert où notre artiste captiva l'auditoire et où l'enthousiasme atteignit à des limites jusqu'ici fort rares. D'autres concerts suivirent avec succès. Elle chanta à la salle des Sourdes-et-Muettes, salle devenue à un certain moment " La Mecque " des artistes. Salvator Issaurel et son épouse Béatrice Lapalme notent le grand talent d'Hélène Le Boutillier.


Elle était en demande régulièrement au Parc Sohmer, au Monument National, etc. Cependant, dans le fond de son coeur, elle pensait au foyer familial, seul véritable milieu où elle trouverait pleine satisfaction. Le Ciel, qui fait bien toutes choses. lui avait donné une beauté douce, sereine et un regard qu'on ne pouvait oublier une fois qu'on l'avait croisé. 


Continuant mon conte de fée, nous arrivons à la partie où parait définitivement le Prince charmant. J'ai nommé le docteur Arthur Lavoie de Sillery. 


Encore étudiant en médecine, il avait rencontré avec plaisir Hélène Le Boutillier au cours d'un été à Gaspé. Mais, la vie sépara l'un et l'autre pendant dix ans. 

Jeune médecin, le docteur épousa en premières noces Georgiana Dion de L'Islet.


Lorsqu'il devint veuf avec deux fillettes, il se souvint d'Hélène Le Boutillier. Elle revenait d'Europe, toute prête à se donner pour le bonheur d'une famille.  A ce moment, elle opta définitivement de sacrifier son art et choisit d'être " lampe "dans la maison, plutôt qu'étoile sur la scène. Et le Prince charmant conduisit sa princesse dans sa résidence 

nichée sur la falaise de Sillery, afin de goûter la splendeur du panorama qui s'offrait à leurs yeux. Elle connut un bonheur vrai dans son foyer où l'harmonie s'exprimait dans une tendresse attentive et «chantante" auprès de son mari et de ses enfants. 


Son fils ainé Arthur, 0,M.I.(Oblats de Marie-Immaculée, note de l'auteur) devint missionnaire à la Baie James; jusqu'à ce jour, il exerce son apostolat chez les Indiens de la tribu des Cris dont il sait bien la langue. Sa fille ainée, Éva, entrée chez les 

Religieuses de Jésus-Marie à Sillery même, est aujourd'hui secrétaire provinciale à la Maison provinciale de Montréal et se nomme en religion Sr Hélène Lavoie. Germaine et René, heureusement, habitent encore le foyer paternel de Sillery. Les autres sont décédés assez jeunes.


De leur mère, je serais tentée de redire les stances du poète : " Hélas! elle n'a vécu que 

ce que vivent les roses, l'espace d'un matin" (Ronsard)*. Foudroyée de la maladie 

d'Addison, dont le corps médical n'avait pas encore trouvé la cause, elle cessa de vivre ici-bas à l'heure où l'horloge du temps sonnait 40 ans!.. Eh! oui, hélas! le Dr Lavoie perdait un trésor et les enfants de même.



Avant de terminer, je veux rendre" à César, ce qui appartient à César", j'ai nommé Sieur Charles Le Boutillier et son épouse. 


Ils eurent six enfants: Hélène (Mme Lavoie), Eva (épouse de l'architecte de renommée internationale,J.0.Marchand), Alice ( épousa le fougueux et brillant journaliste Olivar Asselin), John, décédé à 21 ans*, dans la milice, Hermione décédée à Gaspé à l'âge de sept ans, et Elizabeth ( épouse de l'architecte français Jules Poivert professeur pendant plus de 40 ans à Polytechnique, puis à l'Ecole des Beaux-Arts de Montréal). 


Les petits-enfants sont:  Raymonde Marchand qui épousa Richard Paré de Montréal, entrepreneur général;  quatre fils à Mme Olivar Asselin: Claude, décédé jeune, Jean, ingénieur, Paul, journaliste et Pierre consul à la Nouvelle-Orléans. 


Et, je m'arrête ici, bien à regret, ayant eu rarement l'occasion de  «frôler» une famille aussi unie, aussi douée, et donc fort intéressante. 


Claire Marcil Bruchési 

Montréal, février 1972. 

* John s'est noyé en 1910.  Il avait 30 ans et non pas 21 ans 

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