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Aux Beaux-Arts de Paris 1886-1905

Jules Poivert fut admis à l'École des Beaux-Arts de Paris en 1886, mais n'obtint son diplôme que 20 ans plus tard, en 1905, après que le jury ait référé son cas au Conseil Supérieur.  Décidemment, Jules Poivert ne fait rien comme les autres.

Ce long délai est dû d'abord à un congé de maladie d'une période de trois ans comme l'indique ses lettres ci-dessous dans lesquelles il demande sa réintégration à l'École.  À la deuxième lettre, Jules Poivert joint un certificat médical tel que demandé par les autorités académiques.

Jules sera réadmis à l'École.

Ces lettres sont plus lisibles sur le site de l'INHA

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certicicat médical

Obtention du diplôme: 
Le Cas Poivert

Jules Poivert aurait fréquenté l'École des Beaux-Arts de Paris de 1887 à 1897, en incluant son congé de maladie de près de trois ans à ses débuts.  Avec J. Dupont, il remporte le concours pour le nouvel Hotel de Ville de Sens, concours lancé en 1898.  La construction de l'Hotel de Ville s'étale de 1901 à 1904 et il soumet cette oeuvre comme projet final en vue de l'obtention de son diplòme d'architecte.  Il s'agit d'une oeuvre dont la réalisation en collaboration est achevée, ce qui semble poser problème aux membres du jury de l'École des Beaux-Arts.  Ce jury fait donc appel au Conseil Supérieur de l'enseignement, tandis que de son côté, Jules, avec la verve et la détermination qu'on lui connaît, va se battre pour faire valoir ses droits.  Après tout, il s'agit de son avenir!

Note adressée par le directeur des Beaux-Arts au Secrétaire d'État 

25 février 1905 

 

Les examens du diplôme d’architecte (session de février) ont été terminés hier

Un candidat, monsieur Poivert, a présenté à la commission un projet exécuté en collaboration.

Des réserves ont été faites au sujet de l’acceptation de ce projet, excellent en lui-même, mais qui n’a pas paru avoir été rendu dans les conditions réglementaires.

 

À la demande de la commission, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien ajouter à l’ordre du jour de la séance du Conseil Supérieur de l’enseignement des Beaux-Arts qui aura lieu le 3 mars prochain le texte suivant :

Examen d’une question relative au diplôme d’architecte

ci-joint un extrait du procès-verbal

Le procès-verbal;

Diplôme d’architecte 

Session de février 1905

 

Un candidat monsieur Poivert, ancien élève de monsieur Laloux, avait présenté un projet dont le programme portait comme titre: Hôtel de ville pour une sous-préfecture de 20 000 habitants.

 

Mais sur une des feuilles du rendu, figurait une inscription ainsi conçue : Hôtel de Ville de Sens.

 

D’autre part, le certificat exigé à l’appui du devis estimatif et du mémoire descriptif signé par monsieur Poivert lui-même et par son associé monsieur J Dupont, ne parut pas être conçu dans les termes réglementaires.

 

Des explications furent demandées par la commission à monsieur Poivert qui déclara que le projet présenté par lui était l’œuvre d’une collaboration, que cette œuvre avait été primée à la suite d’un concours public et que le projet était exécuté à Sens.

 

La commission fit des réserves au sujet de la validité du certificat et de l’acceptation du projet soumis à son appréciation, mais elle ne voulait pas écarter elle-même le candidat auquel elle fit subir les interrogations d’usage.  Le projet très bien établi et exécuté reçu la note 4 (?)

Le jury tout entier fut ensuite appelé à donner son avis sur la question posée par la commission. Cette question était la suivante:

 

Un candidat au diplôme d’architecte a-t-il le droit de présenter un projet exécuté en collaboration?

 

Il était bien entendu que le projet en question ne portait que la seule signature de monsieur Poivert; mais ce dernier avait reconnu une collaboration

 

Après une longue discussion, après lecture attentive des articles du règlement de l’école relatifs au diplôme d’architecte, le jury ne se reconnut pas le droit de trancher la question et fit appel au Conseil Supérieur d’enseignement qui lui parut seul qualifié pour accorder ou refuser le diplôme à monsieur Poivert.

Architectes:  Dupont et Poivert

La Défense de
Jules Poivert

28 février 1905

 

À Messieurs 

 

Messieurs les membres du Conseil Supérieur de l’école des Beaux-Arts

 

Messieurs

 

J’ai l’honneur de solliciter de votre Haute Bienveillance l’autorisation de présenter ma défense au sujet de l’incident survenu au cours des examens que j’ai subis pour l’obtention du diplôme d’architecte.

 

L’Hôtel de Ville que j’ai présenté, et pour lequel messieurs les membres du jury m’ont fait l’honneur de me décerner la note maximum, est une œuvre complètement terminée, à la réalisation de laquelle j’ai consacré quatre années de travail ininterrompu, sans m’occuper d’aucun autre travail rémunérateur.

 

C’était donc avec une légitime fierté que je le présentais comme garant de mes capacités artistiques et pratiques.

 

J’estimais, en effet, que les examens du diplôme ayant surtout pour objet de renseigner exactement Messieurs les membres du jury sur l’expérience des candidats, le seul fait d’avoir dirigé l’exécution d’un monument d’une certaine importance devait constituer un titre suffisant pour l’obtention de ce diplôme

 

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éléments de décor

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Escalier Hotel de Ville Sens

Les règlements de l’école des Beaux-Arts ne proscrivent nullement, d’ailleurs, la présentation d’un projet fait en collaboration, et ce fait me paraissait d’autant plus logique que les examens ne comportant aucune esquisse en loges, le candidat est libre de s’entourer de tous les conseils ou collaborateurs qui lui semblent utiles, comme cela a lieu dans la pratique

 

Le projet que j’ai présenté ne diffère donc en rien, dans son exécution, de tous les autres si ce n’est, cependant, qu’ayant reçu une réalisation complète, il représente plusieurs années de travail supplémentaire.

 

Et d’ailleurs le cas qui se présente est loin d’être isolé. Il arrive souvent, en effet, qu’au sortir de l’école, de jeunes architectes n’ayant pas de situation, s’associent pour faire un concours public. Ce projet de concours est, par la suite, utilisé par l’un des associés comme projet de diplôme.

 

Je tiens à affirmer que ce cas s’est présenté un très grand nombre de fois, et qu’il serait facile à Messieurs les Membres du Conseil, de retrouver de nombreux projets présentés dans ces conditions.

 

Or nulle observation n’a jamais été faite aux signataires de ces projets.

 

C’est donc avec le plus profond étonnement que, pour la première fois, j’ai vu soulever une objection aussi imprévue.

 

Qu’il me soit permis, pour terminer, messieurs, d’attirer votre attention sur la gravité de la décision que vous allez prendre. C’est ma carrière brisée, car les difficultés de l’existence ne me permettent pas de supporter une deuxième fois le lourd sacrifice nécessaire à la présentation d’un autre projet. Je serai donc privé d’un titre pour l’obtention duquel j’ai consacré 10 années d’études à l’école des Beaux-Arts.

 

J’ai donc la confiance la plus absolue dans l’intégrité et l’humanité de votre jugement.

 

Recevez Messieurs l’assurance de mon profond respect

 

Jules Poivert

Élève de l’école des Beaux-Arts de 1887 à 1897

6 mars 1905

 

Le directeur des Beaux-Arts à Monsieur Poivert

 

Monsieur

 

Dans la séance du 3 mars courant le Conseil Supérieur d’enseignement des Beaux-Arts a examiné votre requête relative au projet que vous avez soumis au jury du diplôme d’architecte.

 

J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que le conseil a bien voulu prendre en considération les raisons que vous avez invoquées dans votre lettre du 28 février dernier. En conséquence le diplôme d’architecte vous est accordé.

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Pour en savoir plus sur le concours emporté par Poivert et Dupont en vue de la construction de l'Hotel de Ville de Sens, cliquez sur la photo de la plaque

Jules Poivert le professeur

Jules Poivert remplacera son compatriote Max Domic à l'École Polytechnique de Montréal en 1909, là où on forme non seulement des ingénieurs mais aussi de futurs architectes.  

Dans le Rapport du surintendant de l'instruction publique de la province de Québec pour l'année  1909-1910 on retrouve cette entrée:

 

Les changements suivants ont été opérés dans le corps professoral : M. Jules Poivert : nommé professeur de composition architecturale en remplacement de M. Max Doumic, démissionnaire.

(Appendice #3 Rapport sur l'École Polythechnique de Montréal)

L'École  Polytechnique de Montréal

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1905 Le personnel de Polytechnique emménage dans un tout nouvel espace, rue Saint-Denis, dans le Quartier latin, un édifice qu’il occupera jusqu’en 1958 et qui est aujour­d’hui intégré à l’Université du Québec à Montréal.

Avant Doumic, d'autres professeurs avaient été nommés tels Ernest Hébrard, Grand Prix de Rome ou mon grand-père, J.O. Marchand diplômé des Beaux-Arts de Paris qui avec M. Dyonnet, professeur de dessin, montèrent un cours spécial d'architecture menant à un diplôme d'architecte.   Suivant la démission de Doumic en 1909, le noyau professoral était surtout constitué de  Jules Poivert, Aristide Beaugrand-Champagne et Edmond Dyonnet, auquel vint s'ajouter Albert Larue.  Mais le nouveau programme dut se battre pour faire reconnaître son diplôme auprès de l'Association des Architectes, entre autres.  On arriva à un compromis en 1912.  Dorénavant, les finissants seraient évalués par des membres du Conseil de perfectionnement et par des représentants de l'association des architectes.  

Lorsque le projet d'une École des Beaux-Arts à Montréal se concrétisa en 1923 sous l'impulsion des milieux artistiques et intellectuels francophones dont faisaient partie J.O. Marchand, Edmond Dyonnet, Ernest Cormier, Jules Poivert et bien d'autres tel le politicien Athanase David, Secrétaire de la Province de Québec de 1919 à !936, tout le secteur architecture de Polytechnique se déplaça vers cette nouvelle institution.

Devant la porte de l'École des Beaux-Arts (sans doute à l'inauguration), nous reconnaissons de gauche à droite: 1ère rangée:  J.O. Marchand, Athanase David, Emmanuel Fougerat, Edmond Dyonnet, ? 2ème rangée: Paul Morin, ? , Charles Maillard (moustache), Aristide Beaugrand-Champagne (noeud papillon),  ? 3ème rangée:  Jules Poivert, ?, ?, Alfred Laliberté  

L'École des Beaux-Arts de Montréal

L'École des beaux-arts de Montréal a ouvert ses portes en 1923 dans un édifice bâti selon les plans des architectes montréalais Jean-Omer Marchand et Ernest Cormier, au 3450 rue Saint-Urbain à Montréal. À partir de 1955, l'édifice est consacré uniquement à l'enseignement de l'architecture. Cette partie de l'École des beaux-arts devient indépendante en 1959 sous le nom de l'École d'architecture de Montréal, puis (1964) l'École d'architecture de l'Université de Montréal. L'édifice a été occupé plus tard par le Conseil des arts de Montréal, de 1989 à 2009.

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L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, 1923-1945: UNE GRANDE STABILITÉ

 

Au moment de sa création en 1923, l'École des Beaux-Arts de Montréal est dirigée par M. Emmanuel Fougerat, peintre français. Fondateur de trois écoles des BeauxArts en France, M. Fougerat ne restera au Québec que durant deux années. Dès 1925, il est remplacé par M. Charles Maillard, peintre tout comme Fougerat. Diplômé de l'École des Arts Décoratifs d'Alger, Maillard assumera la direction de l'École jusqu’en 1944. Fort de l'appui d'Athanase David, secrétaire de la Province il occupera de plus la fonction de directeur général des Beaux-Arts de la Province. L'École des Beaux-Arts de Montréal offrit dès le départ plusieurs axes d'enseignement: dessin et peinture d'art, arts décoratifs, modelage ornemental et architecture. Des cours dispensés le soir permettaient au grand public d'avoir accès à une partie de cet enseignement.

 

La Section d'architecture occupait une place importante au sein des programmes offerts, bien que le nombre d'étudiants sollicitant une inscription ou effectivement inscrits soit de beaucoup inférieur à celui des autres sections. La Section d'architecture se met en place à partir d'un noyau issu de l'École Polytechnique de Montréal, MM. Jules Poivert, Aristide Beaugrand-Champagne et Albert Larue; ils assurent à trois l'essentiel de l'enseignement de l'architecture à l'E.B.A.M. Poivert, architecte diplômé de l'Etat français, assume la direction de la Section.  

 

(tiré de l'article UNE TRADITION DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ARCHITECTURE AU QUÉBEC: L'ÉCOLE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL, 1923-1959 François Giraldeau paru dans la revue ARQ juin 1985)

Mais laissons le professeur Jules Poivert s'exprimer sur l'enseignement de l'architecture aux Beaux-Arts  dans l'entrevue de la Presse ci-dessous

La Presse, 3 février 1926

Montréal, en ces dernières années, est devenue une des grandes villes du monde. Elle s'enorgueillit de son port immense puissamment outillé; de ses usines formidables, de ses "buildings" à l’américaine, de ses hôtels dont quelques-uns logent la population d’une petite ville. Elle est fière aussi de ses universités, de ses parcs réellement magnifiques. Seulement ses maisons, en général, pourraient être plut belles. Elles pourraient avoir plus d’harmonie de lignes, être de proportions plus heureuses et les gratte-ciel eux-mêmes pourraient avoir un aspect moins morose que celui qu’ils ont. Nous sommes dans une ville française qui se doit à elle-même d’être accueillante, d’aspect aimable et gai; de se développer selon un plan d’ensemble. Chacun construit comme il l’entend et nos maisons disparates font que la ville manque de la physionomie propre qu’elle devrait avoir. Ces efforts divergents à orienter dans le même sens, ces lacunes à combler ont fait naître la commission d’urbanisme dont l’objet est précisément de donner à la ville le plan d’ensemble qui lui manque, d’harmoniser ses édifices, ses parcs et ses maisons. Mais pour embellir une ville, même riche et puissante comme la nôtre, des fonctionnaires réunis en commission ne suffisent pas. Il faut des architectes. Où les trouver si ce n’est à l’école qui a pour objet de les former?

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QUESTIONS D'ART PERTINENTES

 

 - La ville d’aujourd'hui est plus belle que celle d'hier. Peut-on espérer que celle de demain soit plus belle encore?''

 

- Quelle est la tendance de l'enseignement de cette école d'architecture dont on ne parle guère et que l’on connaît encore moins?

Les élèves en sortent-ils suffisamment armés pour engager la lutte pour la vie?

 

- Quel style de préférences enseigne-t-on à l'école? Quel est celui que l’on croit devoir le mieux s’adapter au pays? Est-ce le style renaissance qui marqua le retour à l’art romain? Le roman qui a pour caractéristique la voûte en plein cintre? le gothique dont l’ogive en dentelle de pierre s'élève vers le ciel?

 

- Le gouvernement provincial qui a tant fait en créant l’école des beaux-arts et en faisant venir de polytechnique la section d'architecture, se préoccupe-t-il en somme de ses créatures une fois que, jeunes architectes, ils sont lancés dans la vie?


 

 

 

- Nous sommes un tout jeune pays qui dans bien des domaines ne s’est pas encore manifesté. Apprend-on à nos architectes simplement à copier les styles anciens, ou les incite-t-on à créer?

- Leur montre-t-on l’exemple des architectes américains qui commencent à créer une architecture propre à leur pays?

 

- Parmi les élèves de l’école, y a-t-il des talents? Peut-on espérer qu’un jour de notre école sorte le créateur d’une formule architecturale nouvelle; le grand architecte qui construira le temple, le palais dont s'enorgueillira la ville et dont l’école elle-même aura le droit d’être fière? Telles sont quelques-unes des questions que nous avons posées à M. Jules Poivert, le professeur de la section d’architecture de l'école des Beaux-Arts.

 

CE QUI CARACTERISE M. .JULES POIVERT

 

M. Poivert, comme tous les Français, nous parait être un peu du Midi. Il est même de Bordeaux. Dois-je dire, pour faire mentir une légende, qu’il est très calme, parle bas et surtout ne se "vann-te" jamais?

M. Poivert, lui ai-je demandé, comment se fait-il que vous ne parliez jamais de vous-même? Etant donné ce que vous avez fait, ce que vous faites, vous en auriez pourtant le droit?

 

-C’est que, peut-être, reprit-il en souriant, les hivers canadiens m'ont refroidi un peu et m'ont rendu Canadien. Ainsi, étant de Bordeaux je ne bois plus que rarement du vin. J’ajoute, que je m'en porte très bien. Ensuite cela tient peut-être à ceci, que j’ai épousé une Canadienne et que dans sa famille Ies femmes sont habituées à calmer leurs maris: une de ses soeurs a épousé Asselin...

 

- Parlez-moi de votre enseignement, M. le professeur, je vous prie.

LE COURS D’ARCHITECTURE

 

- Il est à la fois très simple et très vaste. N’ayant pas à offrir à mes élèves les facilités qu’ils auraient à Paris, je m’efforce de leur donner une formation générale. L'enseignement est de cinq années. En sortant de l’école, l'élève a le droit d'entrer dans l’association des architectes de la province de Québec. Mais il ne doit pas que suivre les cours de l’école, il doit, en plus. faire un stage d’un an chez un architecte pour y apprendre la pratique de son métier. Ce stage, il peut le faire pendant ses vacances qui sont de quatre mois par année, ou tout d’une haleine à sa sortie de l’école.

 

-Mes élèves travaillent, sont appliqués à leur tâche plus qu’ils ne le seraient dans un cabinet d’architecte. Je m’attache à leur faire comprendre, dès leur

entrée, que le temps qu’ils perdent est le leur et qu’eux seuls, plus tard, en souffriront.

 

- Ils ont des cours le jour et aussi le soir: en tout 41 heures par semaine.


- En sortant de l’école de Montréal, ils peuvent entrer à l’école des Beaux-Arts de Paris. Sur quatre de mes élèves qui s'y sont présentés, quatre ont été admis parmi les premiers. Je suis très heureux de vous dire que parmi mes élèves les talents ne sont pas rares et que tous ont de grandes dispositions.

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Malheureusement ils m’arrivent pour la plupart avec des connaissances mathématiques insuffisantes. Vous comprenez que le cours est assez chargé sans que par-dessus le marché nous soyons obligés de leur faire un cours de

mathématiques élémentaires. M. Fyen en est chargé et je vous assure bien que sa tâche est lourde.

 

- L’architecte doit pouvoir, à sa sortie de l’école, faire les calculs de construction d'un pont ou d’un immeuble à charpente en fer. A part les cas exceptionnels, il doit pouvoir parfaitement se passer d'un ingénieur.

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LE CONCOURS DU GOUVERNEMENT

 

- Le gouvernement ne se désintéresse pas des élèves qui sortent de l’école. Sur les quatre qui sont à l’école des Beaux-Arts de Paris, il en pensionne deux et le gouvernement français en pensionne un. Je dois dire que lorsque je signale au gouvernement un élève comme ayant des dispositions exceptionnelles, une pension lui est accordée pour aller étudier à Paris.

 

- La Commission des écoles catholiques encourage aussi mes élèves. Ce sont de mes anciens élèves qu'elle a chargés de construire ses cinq dernières écoles. Ceux-ci étant jeunes, elles les a associés à des architectes plus vieux.

 

- Ces résultats sont déjà beaux, mais ils seront plus beaux encore dans un prochain avenir, car le métier d’architecte veut qu’on arrive vieux à la notoriété, au succès. On ne charge pas volontiers d'une importante construction un jeune homme sans grande expérience: on attend qu’il vieillisse. Mes plus vieux élèves n’ont pas encore 35 ans:

il faut attendre un peu pour les voir à l’oeuvre.

 

 

LATITUDE LAISSÉE AUX ÉLÈVES

 

- Je dois dire que mon enseignement est libre. Je ne pousse personne vers un style plutôt que vers un autre. Je me borne à les faire connaître tous. Je respecte les préférences de mes élèves, dans l’espoir de voir surgir parmi eux le novateur, le créateur d'une formule nouvelle d’architecture. Je comprends que nous sommes en Amérique et que le style grec s'accorde mal avec la lumière, le climat, l’ambiance. C’est pourquoi je me dis que si dans la nature le besoin crée l'organe, nous verrons sûrement quelque jour le besoin créer la formule architecturale nouvelle. Je désire ardemment que ce grand artiste  soit l'un de mes élèves: ce serait la gloire de ma carrière. C'est, en attendant, l'espoir de ma vie.

 

Souhaitons que le bel espoir de M. Poivert se realise: nul mieux que lui ne saurait le faire naître, car il fut l’élève d’André, de Laloux, de Redon, ces maîtres dont le nom se perpétue.

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Assis de gauche à droite:  A-Beaugrand-Champagne, professeur d'architecture; Paul Morin, secrétaire; Emmanuel Fougerat, directeur; Jules Poivert, professeur d'architecture.
Debout de gauche à droite:  Albert Larue, professeur d'architecture; Hervé Plante, assistant-secrétaire; Charles Maillard, professeur de dessin et d'anatomie; Robert Mahias, professeur d'Art décoratif; A. Prud'homme, surveillant;Alfred Laliberté, professeur de modelage; J-D Lagacé, professeur d'Histoire de l'Art.

Hommages à Jules Poivert

Même si Jules Poivert a surtout évolué dans l'ombre n'ayant pas atteint la notoriété de certains de ses collègues, il remporta, au cours de sa longue carrière, plusieurs distinctions dont  officier de l'Académie Française et officier de la Légion d'Honneur.  Plusieurs lui rendirent hommages parmi ses pairs, au sein du gouvernement, chez ses anciens élèves.   

Hommage d'élèves à l'occasion de son prochain marriage (1917)

 

 

Mr Poivert

 

 Aujourd’hui l’école est en joie, car elle peut vous fêter. Trop rares sont les occasions où nous pouvons vous témoigner l’ardente estime dans laquelle nous vous tenons, et la reconnaissance que nous vous gardons pour les efforts incessants que vous apportez à notre éducation et notre mieux faire.

 

Nous sommes heureux qu’elle vienne en temps opportun et qu’elle vous soit si favorable. Nous avions peut-être rêvé d’une fête plus grandiose, mais considérant les circonstances et votre goût marqué de la simplicité, nous avons cru mieux vous agréer en faisant une simple fête intime où le décor est petit mais où nous sommes sincères.

 

Nous vous prions d’accepter ce témoignage de notre considération et de notre gratitude, en même temps que nos meilleurs souhaits de bonheur et nos profonds respects pour celle qui demain sera votre femme.

 

Les étudiants en architecture.

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Caricature de Lapalme 

La Presse, lundi 1er mai 1944 

 

En hommage à M. J . Poivert

 

De la part de ses anciens élèves en architecture

35e et 77e anniversaire

 

Quelques anciens élèves de monsieur Jules Poivert, depuis 35 ans professeur d’architecture, à l’école polytechnique d’abord, puis à l’école des Beaux-Arts, se sont réunis samedi soir dernier en l’hôtel Windsor pour exprimer leur reconnaissance et leur gratitude à leur ancien professeur.

Cette fête coïncidait avec le 77e anniversaire de naissance de monsieur Poivert. 

 

À ses anciens élèves se sont joint les collègues de monsieur Poivert à l’école des Beaux-Arts, les directeurs de diverses écoles spécialisées, l’honorable Hector Perrier, secrétaire de la province, Mgr Olivier Maurault, P.S.S. recteur de l’université de Montréal.

 

Au cours du dîner qui a marqué cette fête, monsieur Poivert a reçu de la part de ses anciens élèves, comme gage de leur reconnaissance, une médaille de bronze portant sont effigie.

 

Hommage des anciens

 

À la fin du dîner, présidé par monsieur Paul-H Lapointe, monsieur Bernard Dépatie, président des diplômés en architecture de l’école des Beaux-Arts, s’est fait le porte-parole des anciens élèves de monsieur Poivert.

 

«Nous vous remercions d’avoir nourri et illuminé nos esprits des leçons du passé. Vos leçons, nous ne nous ne les oublierons jamais. Vous avez fait l’éducation de nos esprits et de nos cœurs.

 

L’association des architectes de la province qui a l’honneur de vous compter au nombre de ses membres vous remercie des grands services que vous lui avez rendu et vous est reconnaissante de l’excellente formation que vous avez donné à quelques-uns de ces membres», a dit le président de cette association monsieur Eugène Larose.

 

Hommage de la province

 

«Je tenais à venir vous exprimer mes sentiments personnels et vous dire toute la gratitude que vous doit la province», a dit l’honorable Hector Perrier, secrétaire de la province. «Je ne sais à quel titre vous saluer : comme architecte, professeur, mathématicien ou musicien, et ne sais à quel titre la province doit vous être le plus le plus reconnaissante. Votre nom se trouve non seulement dans les archives de la province, mais dans les cœurs de tous vos anciens élèves. Depuis 35 ans, vous avez contribué à la formation d’architectes qui font l’honneur à votre nom et à la province.»

 

Note sur monsieur Poivert

 

Monsieur Despatie a donné les quelques notes biographiques suivantes sur monsieur Jules P.O.V. : né à Bordeaux en France le 30 avril 1867 il a été professeur pendant 14 ans à l’école polytechnique et pendant 21 ans à l’école des Beaux-Arts. Créé officier de l’Académie Française le 10 février 1901; officier de l’instruction publique en 1930 ; officier de la Légion d’honneur en septembre 1936. Seul collaborateur en Amérique à la revue de mathématiques spéciales Paris ; collaborateur à la Revue Trimestrielle, etc.

 

Monsieur Jules Poivert

 

«S'il est beau d’être jeune il est bon parfois d’être vieux!» s’est écrié monsieur Jules Poivert. Votre vieux professeur vient d’atteindre le point culminant de sa carrière et, comme les héros de Corneille, il aspire maintenant à descendre.

 

Au bilan de ma carrière de professeur : 150 enfants à qui il m’a fallu apprendre à marcher. Dois-je maintenant me retirer? La retraite équivaudrait pour moi à un suicide.» (malgré son âge, monsieur Poivert continue à enseigner et se rend tous les jours à l’école des Beaux-Arts)

 

Monsieur Boisvert a ensuite fait l'éloge de monsieur Émile Venne qui lui a succédé à la direction des cours d’architecture à l’école des Beaux-Arts et a remercié tous ceux qui avaient voulu honorer cette fête de leur présence.

Publications

On a vu que lors de son séjour forcé en France, qui dura plus d'un an au début de la Première guerre mondiale, Jules Poivert s'était remis à l'étude des mathématiques et avait commencé à publier dans une revue française de mathématiques.  Tout au long de sa carrière,  Jules Poivert va écrire de nombreux articles pour la Revue Trimestrielle Canadienne qui, en mai 1915, prend la relève du bulletin de Polytechnique jusqu'en 1955.  Puis, l'Ingénieur   devient la revue trimestrielle de l'École Polytechnique.  

Bien sûr, comme architecte, c'est surtout la géométrie qui captive Jules Poivert.  Pourtant, il s'intéresse aussi à l'algèbre, à l'astronomie, à la chimie, à la musique, etc...  Vous trouverez ci-dessous une liste partielle des titres d'articles de Jules Poivert publiés dans la Revue Trimestrielle mais aussi dans l'Ingénieur ainsi que dans l'Architecte.  Toutes ces revues sont accessibles en ligne  BANQ numérique (Bibliothèque et Archives Nationales du Québec).  

Titres parus dans la Revue Trimestrielle Canadienne

 

Étude sur le calcul des arcs;  février 1916 

 

Les dimensions de l'espace réel;  juin 1920 

 

Étude de quelques fonctions remarquables;  mars 1922

 

Problèmes des tangentes;  décembre 1922

 

L’Emploi des échelles infinies;  mars 1926

 

Étude sur les lignes progressives inscriptibles dans les volutes;  septembre 1930

 

Recherche des premiers éléments d’une géométrie naturelle;  septembre 1931

 

Étoiles non euclidienne;  septembre 1932

 

Étude analytique des Projections;  mars 1934

 

Notes sur la résolution algébrique des équations;  mars 1936

 

Récréation scientifique;  mars 1939

 

Etude sur la pseudo-résolvante;   mars 1942

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Dans la revue L'Ingénieur

Transformations  Cycloïdales;  printemps 1956  no.165 

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Dans la revue Architecte

Un Nouveau Problème Architectural; juillet 1946

ci-dessous, vous trouverez le début de cet article.

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pour l'article complet, cliquez sur l'image

UN NOUVEAU PROBLEME ARCHITECTURAL

Proposé par Jules Poivert

LA RUCHE PYRAMIDALE

Monsieur Jules Poivert est né à Bordeaux, {France), le 50 avril 1867. Architecte diplômé par le Gouvernement français, il est venu à Montréal en 1909 pour y occuper la chaire de professeur de composition architecturale, d’abord à l'Ecole Polytechnique {pendant 14 ans), puis à l’Ecole des BeauxArts, où il enseigne encore. Collaborateur à la Revue des Mathématiques Spéciales de Paris et à la Revue Trimestrielle Canadienne, il a publié de nombreux articles scientifiques. Il a reçu du Gouvernement français, plusieurs distinctions honorifiques.

Dans les périodes de crise, alors que l’armature sociale craque de toutes parts, nous sortons de notre coquille pour nous poser des questions troublantes : Comment se fait-il que certains petits êtres (abeilles, guêpes, etc.), qualifiés d’inférieurs, réussissent à vivre et prospérer en dépit des dures conditions qui leur sont imposées. Se pourrait-il qu’ils fussent plus sages et plus policés que nous ? — C’est bien improbable : des individus qui travaillent pour nous en croyant travailler pour eux ne peuvent etre que stupides.

 

Mais n’auraient-ils pas le droit de porter sur nous des jugements tout aussi sévères et plus mérités?  Pour élucider ce dernier point, il est nécessaire de pénétrer dans leur intimité.

 

Si donc, l ’abeille est outillée pour mesurer et construire ce seul angle de 120°, la structure du berceau et, par suite, celle de tout l'édifice s’ensuivra infailliblement.

 

L’architecture de la ruche nous apparaît, dès lors, comme une merveille d’unité et les géomètres ne sauraient ajouter quoi que ce soit à notre admiration en prêtant à l’abeille les sentiments mesquins qui dirigent la plupart des entreprises humaines.

 

Le verdict des savants, qui témoigne d’une méconnaissance absolue de l’insecte, a malheureusement rejeté dans l’ombre la conclusion la plus riche en enseignement, à savoir que la recherche de l'unité ou de l’harmonie (problème d’esthétique) doit être à la base du problème économique.

 

Quelle belle leçon pour nos architectes modernes qui prétendent renverser cet ordre naturel en subordonnant le premier problème au second !

 

Pensent-ils que la beauté puisse jaillir de sources étrangères à PART ?

 

Un tel miracle ne se produira jamais

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