
EN REMONTANT LE FLEUVE
sur les traces de ma mère
Noyade d'Hermione Le Boutillier août 1892
Deux lettres concernent cette tragédie. L'une écrite par Hélène Têtu, mère d'Hermione surnommée Mignonne. Il n'est pas clair à qui la lettre s'adresse.
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L'autre est une lettre de Charles Le Bouthillier, père d'Hermione, qui est à l'Île du Prince-Édouard lorsqu'il apprend la nouvelle. La lettre est adressée à sa femme, Hélène.
LETTRE D'HÉLÈNE TÊTU
17 août 1892
Gaspé 17 août 1892
Ma bien chère sœur,
La consommation de tous les sacrifices!!! Mignonne s’est noyée ou plutôt s’est assommée à travers un trou dans le quai dans le dock qui séparait le nôtre du vôtre. Elle a passé 7 minutes dans l’eau. Et elle a été pêchée par un crochet. Hélas, j’entends encore le cri déchirant de John son grand frère qui était là témoin et ne pouvait la sauver parce qu’elle n’est pas revenue à la surface. J’étais dans notre store avec Alice, nous finissions l’ouvrage pour partir le soir. J’ai accouru, Sam et John Fitch… aussi. J’ai bien vu que tout était fini. J’ai retourné au store, j'ai passé une ½ heure à offrir mon sacrifice à Dieu pour le repos de sa jeune âme qui j'espère a trouvé grâce devant son juge. De bonne heure hier elle était levée (contre son habitude) elle est venue à la messe avec moi et a bien prié. Quelques jours avant, elle avait été à la confesse.
La vue de Bassin me fatigue. J’ai hâte d’en partir. Le coroner arrive, l’enquête se fera. Mr Galis (?) vient pour enterrer la petite. Notre curé est obligé de s’absenter. Elle repose dans la tombe près de moi - elle est belle c’est ce que les nombreux qui viennent la voir disent. Elle a une expression souriante. Ses cheveux blonds bouclés sur son front lui donnent une apparence de bienheureuse. Cela est arrivé hier à 2h30, 5 minutes après qu’elle m’avait laissée.
John paraît bien affecté. Ses yeux sont toujours roulants dans l’eau - il se promène en silence et réfléchit - il a passé de tristes vacances (je ne lui dis pas cela)- Alice empacte et m.est très utile aussi. Mignonne va reposer entre son grand-père et sa grand-mère. John Fritz a creusé la fosse ce matin. La pauvre enfant est bien débarrassée, mais je n’étais pas prête à accepter tout à coup ce sacrifice. J’en ai enterré 2 moralement cette année - j’écris à Él à Fall elle qui avait tant hâte de revoir sa petite soeur - pauvre Éliza qui jouissait heureuse d’être à la campagne, il faudra lui dire qu’elle n’a plus de petite soeur - elle la priera au ciel. Je pars donc ce soir. Mme Kavannagh se charge de faire transporter tous mes meubles chez G. Dur,,, Veit (?) me prête son cheval - tout le monde est bien sympathique - l’enfant est couverte de croix (?) et de couronnes de fleurs. Priez pour moi, vous qui n’avez vu de + comparé à moi. Je ne vous ai pas parlé de Charles mais j’y pense souvent. Je le crois à Georgetown et je lui ai écrit hier par Walaham (?) qui va lui donner la lettre. Mme Duna….? est venue me voir trois fois. C’est madame Sam Veit et mlle Harris qui ont changé l’enfant. Chacun vient s’offrir pour m’aider. Priez donc pour votre pauvre frère qui s’est montré bien courageux dans les épreuves - celle-la en est une grande à supporter éloignée de nous… Mes amitiés à M. P. Antoine à bientôt, J’arrêterai vous voir la semaine prochaine,
Votre affligée soeur H.

LETTRE DE CHARLES
23 août 1892
